Skip to main content

Discussion details

Created 17 November 2015
Crowdfunding, économie solidaire microfinance Version imprimable
13-11-2015
Les services de finance inclusive se développent en Afrique. En dépit des guerres, des crises sanitaires et autres déficits en infrastructures, la croissance y est au rendez-vous et les investisseurs ciblent le continent. Parmi les outils, le financement participatif qui évolue tout de même, selon ses branches, de manière différenciée.
Le crowdfunding suscite un réel engouement auprès des agents économiques en Afrique. Dans un article précédent, nous soutenions qu’il était à nos portes. Nous ne croyions pas si bien dire. A titre d’exemple, Afineety.com, première plateforme basée au Maroc, à Casablanca, sera opérationnelle en novembre 2015 en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Après avoir accompagné pendant 3 ans le lancement d’une plateforme en France sur l’equity en modèle direct, signifiant que les entrepreneurs sont directement en contact avec les investisseurs, Afineety a décidé, en janvier 2014, de lancer son projet de plateforme en equity sur le continent africain. Une première. Elle compte héberger et diffuser un certain nombre de projets pour plus de visibilité. Dans ce sens, cette plateforme vient d’organiser, jeudi 11 juin 2015 à la Bourse des valeurs de Casablanca, le Pitch Hub Africa. A l’issue de la rencontre, un jury a sélectionné parmi 10 projets de création d’entreprises, ceux qui seront diffusés sur la plateforme. Ailleurs dans le monde, le financement participatif suscite le même enthousiasme. Le tout récent projet de création du robot-jouet, Moti, pour enfants autistes, sera diffusé sur leka.io, pour un appel aux financements. 

Tout bénéf


Avant de faire un état des lieux du crowdfunding en Afrique, il est utile de rappeler la définition du concept. Assez simple dans son fonctionnement, le crowdfunding fait l’objet d’un large engouement. Il s’agit d’une technique de financement de projets de création d'entreprises, utilisant Internet comme canal de mise en relation entre les porteurs de projet et les personnes souhaitant investir dans ces projets. A mi-chemin entre microcrédit et capital-risque, le crowdfunding permet ainsi de rassembler une communauté d'investisseurs, «the crowd», autour d'un projet, d'une entreprise ou d'une cause pour en assurer le financement, nous confie Eric Marty, membre-fondateur d’Afineety. Il ajoute qu’en favorisant le contact et les échanges, le financement participatif est aussi un bon moyen de développer l'entraide, ou bien pour une entreprise, de communiquer tout en levant des fonds. Justement, certaines plateformes vont d’ailleurs plus loin que la simple levée de fonds, et constituent un moyen de tester son idée auprès d'une large communauté d’acteurs. Le porteur de projet recueille ainsi des éléments lui permettant d’affiner la faisabilité de son projet et bénéficie d’un média lui permettant de promouvoir ses produits ou services auprès d'une communauté qui saura le soutenir. 

Entre dons désintéressés et placements rémunérés


On distingue plusieurs formes de crowdfunding, à savoir le don, le prêt rémunéré et l’investissement en capital. A travers le prêt rémunéré, des particuliers et des organismes financent des personnes physiques ou des entreprises contre intérêt. Quant au financement collaboratif en capital, ou «equity based crowdfunding», il se traduit par une prise de participation en actions dans les entreprises financées et une rétribution financière via les dividendes et la plus-value potentielle réalisée. Les investisseurs deviennent alors actionnaires. Enfin, la production communautaire, modèle où les investisseurs sont aussi coproducteurs. A travers le monde, le crowdfunding poursuit un inexorable développement. Les fonds levés se chiffrent en plusieurs milliards de $ pour financer des projets. En France, en 2014, le nombre de financeurs a doublé sur les plateformes de crowdfunding. Quelque 152 millions d’euros ont ainsi été mobilisés. Une tendance qui se confirme, après que le montant des fonds ait triplé en 2013. Aussi, dans l’Hexagone, la contribution moyenne a été de 4 470 euros pour l’investissement en capital, de 561 euros pour le prêt rémunéré et de 60 euros pour le don. Cette évolution des plateformes a été amorcée, à travers le monde, depuis les années 2007-2008…

L’Afrique entre en lice


A côté de plateformes de crowdfunding, telles que w4.org, EntrepreneursduMonde.org, Babyloan ou Kiva, souvent tournés vers l’international, qui ont fini par s’imposer dans le paysage du financement participatif, Afineety.com compte jouer un rôle de pionnier en Afrique. Sur le continent comme dans d’autres parties du monde, les structures proposant des plateformes de financement doivent obéir à différentes règles, vu leurs soubassements à la règlementation bancaire et fiscale. Outre des règles prudentielles identiques à celles des établissements bancaires, avec singulièrement l’identification détaillée de l'épargnant (justificatifs d'identité et de domicile), contrôles anti-blanchiment, anti-terrorisme, ... il est utile d’ériger des règles de contrôle de la qualification des investisseurs, vu que le financement participatif est considéré comme un investissement risqué, même si les montants investis sont souvent plus faibles. Largement représentées en Amérique du Nord et en Europe, plusieurs plateformes se sont développées dans les pays émergents comme l’Inde, la Chine, le Brésil et la Russie. Selon les types de financement, il est utile de constater que l’equity représente aujourd’hui près de 15% de l’activité (60% sur le prêt et le reste sur le don) et permet de financer de nombreux projets de développement d’entreprises avec une moyenne de 300 000 dollars par opération. Si à l’origine les investisseurs étaient majoritairement particuliers, avec un profil de Business Angels, aujourd’hui les fonds d’investissement commencent à y faire leur marché. 

Remodeler le microcrédit


Contrairement au mode de financement participatif, la microfinance, qui depuis plus de 30 ans pour lutter contre la pauvreté, est assimilée comme une part entière de la finance en Afrique, depuis belle lurette. En Afrique de l’Ouest, l’encours de crédits a dépassé 742 milliards de f CFA, en octobre 2014, selon la Bceao. Généralement, ce sont de petits projets qui sont financés auprès de populations non encore bancarisées. Comme le disait si bien Jacques Attali, président de PlaNet Finance, l’avenir de l’Afrique est dans l’implantation d’un secteur économique et financier inclusif. Fort heureusement, de récents chiffres faisaient état de 205 millions de clients et 10 000 IMF (Institutions de microfinance). Mais des analystes déplorent un certain détournement de l’objectif premier de la branche, et préconisent son replacement dans le cœur des activités des IMF. Si les soutiens restent conséquents et bénéfiques par endroits, il n’en demeure pas moins que l’application de certains taux d’intérêts au-delà de 12%, voire 13%, ne se soucie que de la rentabilité des IMF, au détriment de populations démunies… le cumul de pratiques abusives a poussé certains économistes à suggérer de repenser un modèle africain de la finance inclusive. Gageons qu’à la Semaine de la microfinance, prévue du 29 juin au 3 juillet 2015 à Dakar, au Sénégal, les fonds d’investissement, IMF, autorités gouvernementales, ONG et autres banques, plancheront aussi sur ce volet. Les professionnels du Luxembourg, pays qui abrite 52% des fonds de microfinance, ne manqueront pas de soutenir un tel élan. Daouda MBaye