La transformation industrielle du bois peut-elle vraiment être durable ? Le Gabon en est convaincu.
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Difficile d’imaginer qu’une véritable révolution est en marche dans ce complexe industriel tentaculaire envahi par la poussière, situé à 30 km du centre de Libreville, la capitale du Gabon.
D’immenses usines s’étendent à perte de vue dans cette zone marquée par le bruit assourdissant des scies géantes. Un flot continu de semi-remorques y décharge des troncs d’arbre qui viennent d’être abattus dans les forêts tropicales exotiques des environs. Pourtant, en dépit des apparences, la Zone d’Investissement Spéciale (ZIS) de Nkok joue un rôle de pionnier dans la production durable de bois.
« Quatre-vingt-huit pour cent du territoire gabonais est recouvert de forêts ; soit 23 millions d'hectares de couvert forestier à gérer », expliquait Mohit Agrawal, directeur général de GSEZ, lors d'une récente interview. « Pour assurer la conservation de nos forêts, nous nous sommes vu accorder des concessions d'exploitation forestière, assorties de quotas. Les forêts ont ainsi le temps de se régénérer et de se développer ».
Fort de 12,5 millions d'hectares de couvert forestier sous gestion durable abritant plus de 400 espèces d'arbres, le Gabon est en train de s’imposer comme un modèle de production durable de bois. Le pays peut s’enorgueillir d'avoir limité à moins de 0,1 % son taux de déforestation moyen au cours des trois dernières décennies et compte parmi les rares nations à avoir été qualifiée « pays à forte couverture forestière et à faible déforestation » (high-forest, low deforestation, HFLD).
L'ampleur des activités dans la ZIS de Nkok est ahurissante. Créée en 2010, elle accueille aujourd'hui près de 90 entreprises du secteur de la transformation du bois qui, ensemble, occupent plus de 6 000 personnes. Les activités vont de la fabrication de meubles sur mesure pour des boutiques d’aménagement intérieur haut de gamme en Europe ou aux Etats-Unis à la production de millions de mètres carrés de placages tropicaux. Une vingtaine d’entreprises scient et stockent chaque mois environ 40 000 mètres cubes de bois sur leur propre complexe de 40 hectares spécialement aménagé à cet effet. En 2021, plus d'un million de mètres cubes de bois y ont été transformés.
Le Gabon est aussi le premier pays du Bassin du Congo à avoir rejoint le système régional de certification panafricaine des forêts (Pan African Forest Certification, PAFC), qui atteste du caractère durable de la gestion forestière et de la traçabilité du bois, de la forêt jusqu'au produit fini. Le bois transformé dans la ZIS de Nkok est tracé depuis son entrée dans le complexe jusqu’à la première unité de transformation à l'aide de TraCer-Nkok, un système de suivi spécialement développé pour se conformer à la législation européenne sur l'importation des produits du bois. Chaque grume pénétrant dans la ZIS est ainsi enregistrée dans une base de données, afin de garantir une traçabilité de bout-en-bout. « Le défi à Nkok est la traçabilité du bois. La ZIS doit être exempte de bois obtenu illégalement », déclare Marc Ona, secrétaire exécutif de Brainforest, une ONG qui fait partie de l'équipe de mise en œuvre de TraCer.
Pourtant, malgré les volumes considérables de la ZIS, elle représente moins de la moitié de l'industrie gabonaise de transformation du bois. De nombreuses entreprises - parmi lesquelles des entreprises européennes certifiées FSC avec leurs propres scieries - ont choisi de rester basées dans des zones forestières plus reculées. Cependant, toutes ces installations ne peuvent pas se vanter de la capacité de Nkok à recycler les déchets de bois - dans la ZIS, par exemple, une nouvelle entreprise a été créée pour recycler les déchets de bois en panneaux de particules pour la fabrication de meubles.
Le Gabon a des revendications sérieuses en matière de durabilité - motivées par une combinaison de systèmes de certification volontaires tels que le FSC, et de plus en plus par des exigences de diligence raisonnable obligatoires. En 2009, le Gabon a ainsi interdit l’exportation de grumes, ce qui lui a permis de multiplier par trois la valeur annuelle de ses exportations de bois pour atteindre environ un milliard d'euros. C’est aussi le premier pays du continent à avoir reçu des paiements (qui sont fonction des résultats obtenus) pour ses réductions d’émissions de CO2 liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans le cadre de l'Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale des Nations unies (Central African Forest Initiative,CAFI)
Dans la forêt, Steeve Mbadinga, en charge du contrôle de la traçabilité dans la ZIS, montre une souche d'arbre fraîchement sciée. « Vous pouvez voir sur la souche un numéro de secteur forestier ; il ne doit pas disparaître car il nous permet de tracer le bois. Il y a un numéro correspondant sur le tronc, ce qui nous permet d'établir un lien direct entre la souche et le bois. »
A l'instar de TraCer, le Ministère des Eaux et Forêts lance actuellement un système de traçabilité des produits bois sur l'ensemble du Gabon, piloté par l'Agence d'Exécution des Activités de la filière Forêt Bois (AEAFFB) en partenariat avec l'Agence d'Investigation Environnementale (EIA).
L'UE et le Gabon ont récemment confirmé leur volonté de signer un Partenariat Forêt confirmant leur engagement à renforcer leur collaboration sur la gestion durable des forêts (GDF). Ce partenariat vise à augmenter la superficie des forêts protégées, restaurées et gérées durablement, à générer des emplois durables et à réduire la déforestation, ainsi qu’une collaboration avec les communautés autochtones et les organisations de la société civile.
De retour à la ZIS de Nkok, Angone Tang, responsable de la qualité et de la certification, évoque avec fierté les réalisations de cette dernière décennie. « La Zone d’Investissement Spéciale emploie aujourd'hui plusieurs milliers de Gabonais, sans compter les nombreux prestataires qui en bénéficient directement et indirectement ».
Dans un pays où près d'un cinquième de la population active est au chômage, la contribution de cette Zone d’Investissement Spéciale au bien-être socioéconomique est indéniable. Nina Benga Walangoye travaille pour Gabon Wood Industries, l’un des principaux employeurs de la ZIS qui détient aussi 400 000 hectares sous concession. Comme d’autres personnes, elle a trouvé un emploi sûr dans la zone. « Ma vie a beaucoup changé », explique-t-elle. « Avant, j’avais du mal à joindre les deux bouts, je n'avais pas grand-chose et je ne pouvais pas payer les frais de scolarité de mon fils. Mais depuis que je travaille ici, ma situation financière s’est nettement améliorée. Je peux envoyer mon fils à l’école et payer mon loyer ».
En plus de bénéficier enfin d’emplois stables, les ouvriers de la ZIS sont fiers de leur contribution à l’économie durable de leur pays. « Nous transformons sur place le bois récolté au Gabon. Ça me rend très heureux de transformer le bois ici, dans mon pays, plutôt que de le voir exporté », confie Marco Kakamel, qui travaille à l'usine de meubles Woodville. « Nous avons même fabriqué plus de deux mille pupitres pour des écoles au Gabon »
Sources
https://www.youtube.com/watch?v=xTB9sGmV9Go
https://www.youtube.com/watch?v=1sbrGfTNR5A
https://www.youtube.com/watch?v=ghf4Vr3vg8U
https://www.youtube.com/watch?v=2GCDawiS_Cs&t=137s
https://www.youtube.com/watch?v=d7_7BOlxsJI
https://news.mongabay.com/2023/05/corruption-threatens-timber-traceability-in-nkok-gabon/
https://gsez.com/media-center/
https://www.ariseiip.com/project/gsez/
Photos
- Vue aérienne de la ZES de Nkok, Gabon ©GSEZ
- Fabrication de panneaux de contreplaqué dans la ZES de Nkok, Gabon ©GSEZ
- Fabrication de meubles dans la ZES de Nkok, Gabon ©GSEZ
- Grumes marquées prêtes à être transformées dans la ZES de Nkok, Gabon ©GSEZ
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