La législation et le financement public des partis politiques en côte d’ivoire & au sénégal a l’aune de l’inclusion des femmes et des jeunes dans les sphères de décision
Les partis politiques constituent la pierre angulaire des systèmes démocratiques contemporains. Ce sont en effet, « les enfants de la démocratie et du suffrage universel » selon Max Weber ; Et comme le dit si bien Daniel Louis-Seiler, « tout démocrate devrait vouer une grande reconnaissance aux partis politiques. En effet et jusqu’à ce jour, aucune démocratie n’a jamais pu fonctionner sans partis et les quelques tentatives pour le faire virèrent toutes au cauchemar. De même lorsque, par le passé, des démocraties moururent sous les coups de militaires expéditifs ou de révolutionnaires épris d’absolu, l’une des premières décisions de ces derniers fut d’abolir le pluralisme des partis. En revanche, dès qu’un pouvoir totalitaire, autoritaire ou absolutiste vacille sur ses assises, on assiste toujours à une efflorescence de partis politiques dont certains n’osent pas encore dire leur nom… »[1].
La présente recherche porte sur la législation et le financement public des partis politiques dans deux pays de l’Afrique de l’ouest francophone: la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Elle vise à analyser la manière dont la législation sur les partis politiques et le financement public des partis politiques et des campagnes électorales prend en compte ou non les droits et la participation des jeunes et des femmes à différents niveaux de prise de décision. Elle a été réalisée dans le cadre du projet Women and Youth Democratic Engagement (WYDE), mis en œuvre par l’Institut Général Tiémoko Marc Garango pour la Gouvernance et le Développement (IGD) et la Fondation internationale du parti du centre suédois (CIS), avec l’appui financier de la Fondation ENoP et de l’Union Européenne.
La démarche méthodologique adoptée a consisté à opérer une comparative des cas de la Côte d’Ivoire et du Sénégal) combinant :
- une analyse documentaire des textes juridiques pertinents : les lois sur les partis politiques, les lois électorales, la Constitution, les lois et règlements sur le financement politique, etc.
- des entretiens semi-structurés (une dizaine par pays) avec des personnes ressources telles que des responsables de partis politiques, des experts électoraux, des chercheurs, des journalistes, des acteurs de la société civile, etc.
- une analyse qualitative des données collectées pour en tirer des tendances et formuler des recommandations stratégiques.
Dans ces deux pays, la législation ne fournit pas de définition de la notion de jeune. Cependant, en Côte d’Ivoire, la jeunesse est définie, dans le cadre de la Politique Nationale de la Jeunesse (PNJ) 2021-2025, comme un groupe d'âge compris entre 0 et 35 ans. Au Sénégal, le terme "jeune" est souvent utilisé de manière plus large, englobant les adolescents et les jeunes adultes, allant généralement jusqu'à 30 ans. Les deux États ont cependant ratifié (en 2009) la Charte africaine de la jeunesse du 2 juillet 2006, laquelle définit les jeunes comme « toute personne âgée de 15 à 35 ans » (définitions). Selon la Charte, « tout jeune a le droit de participer librement aux activités de sa société », et les États parties s’engagent, entre autres, à « garantir l’accès des jeunes au Parlement et à tous les autres niveaux de prise de décision conformément aux lois » (article 11; 2 a), à « assurer l’accès équitable des jeunes hommes et des jeunes femmes à la prise de décision et à l’exercice des responsabilités civiques » (article 11; 2 c). Quant à la notion de femme, nous l’entendons au sens biologique du terme, bien que cette notion soit fortement façonnée par les rôles sociaux, les attentes culturelles et les identités de genre.
Dans ces deux pays, la Constitution consacre expressément ou implicitement le multipartisme. Ainsi, en Côte d’Ivoire, les partis politiques se forment et exercent librement leurs activités sous réserve du respect des lois de la République, des principes de la souveraineté nationale et de la démocratie (article 25 de la Constitution de 2016). Au Sénégal, la liberté de création des partis politiques n’est pas expressément mentionnée par la Constitution. Toutefois, celle-ci, dans plusieurs de ses dispositions, utilise le pluriel pour évoquer les partis politiques dont le droit de s’opposer à la politique du Gouvernement est expressément garanti. De même, la Constitution sénégalaise garantit à l’opposition un statut (article 58 de la Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution). Selon l’enquête Afrobaromètre du Round 9 (2021-2022) conduite en Côte d’Ivoire et au Sénégal, les enquêtés, dans leur grande majorité (87%), rejettent le monopartisme dans les deux pays, marquant ainsi leur préférence pour les régimes multipartites. Ainsi, une forte majorité d’enquêtés affirment que plusieurs partis politiques sont nécessaires en Côte d’Ivoire (78%) ou au Sénégal (58%) pour garantir que les Ivoiriens ou Sénégalais aient réellement le choix de ceux qui vont les gouverner.
Cependant, les partis politiques dans ces deux pays, comme ailleurs, ne semblent pas bénéficier d’une large confiance dans l’opinion. En effet, en Côte d’Ivoire, plus de 6 enquêtés sur 10 affirment ne pas avoir du tout confiance ou ont juste un peu confiance aux partis politiques, qu’il s’agisse des partis au pouvoir (60%) ou des partis de l’opposition (66%). En outre, la grande majorité des Ivoiriens enquêtés (81%) affirmaient que la compétition entre partis politiques conduit souvent ou toujours à des conflits violents. Au Sénégal, la même enquête effectuée montre également une défiance de l’opinion. Plus de 6 enquêtés sur 10 affirment ne pas avoir du tout confiance ou ont juste un peu confiance aux partis politiques, qu’il s’agisse des partis au pouvoir (69%) ou des partis de l’opposition (65%). En outre, 83% des Sénégalais enquêtés affirmaient que la compétition entre partis politiques conduit souvent ou toujours à des conflits violents. Sur la question des violences politiques, il importe cependant de préciser que, dans la perception populaire, la violence est plus occasionnée par des évènements de contexte politique tels que par exemple des décisions de justice concernant des candidats ou des interdictions de manifester, plutôt que sur la compétition entre partis politiques.
[1] Daniel-Louis Seiler, Les partis politiques en Occident : sociologie historique du phénomène partisan, Paris, Ellipses, 2003, p. 15 et s.
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