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Cet article a été écrit par Dia Sacko, Spécialiste en stratégie de communication et fondatrice de Mali Culture Média Conseil.

Cet article est également disponible en anglais.

A l’heure où l’humanité compte près d’1 million de morts du COVID-19, un monde retient son souffle, c’est celui de la culture. Les salles de cinémas, de spectacles, de théâtres ainsi que les musées, les opéras et les festivals restent fermés. Les acteurs culturels, intermittents du spectacle et professionnels du secteur naviguent entre désarroi, résilience, et développement de solutions innovantes pour éviter la disparition totale. Comme une sonnerie de glas, le monde fut assommé par les douze coups de la COVID-19. Aucun secteur économique n’est épargné par les différentes mesures érigées depuis le début de la pandémie1 au Mali.

 

La culture baisse les rideaux par la COVID-19

Le monde en est arrivé à oublier en un rien temps les grandes pandémies, comme la peste qui l’ont ébranlé, à leur temps. Le mal du 21e siècle a su ramener l’humanité à sa condition première de faillible. Le monde en folle activité devient semblable à une prison.

Adama Traoré, Président de la Fédération malienne des Artistes et Président de l’Association Acte Sept, revient sur son sentiment au moment où les frontières du monde se refermaient sur nous : « La COVID-19 nous a amené à réfléchir sur nous et comment nous projeter. C’était comme si les rideaux baissaient et je me suis retrouvé comme enfermé dans une prison. Toutes les tournées ont été arrêtées. Cela nous ramène à une question fondamentale : comment un virus aussi microscopique peut arrêter le monde ?»

Les domaines économiques de la culture ont été fortement impactés avec des manques à gagner considérables, mettant en jeu la survie des acteurs du secteur. Pendant cette enquête à 360°, les acteurs que nous avons rencontrés, provenant des secteurs du théâtre, de la danse, de la musique, du textile, des festivals, et des fonds de soutien à la culture, dessinent tous un panorama accablant de l’impact néfaste de la COVID-19 sur l’économie de la culture au Mali.  Alors que le Festival sur le Niger, Ségou’Art recevait les années précédentes 30.000 festivaliers et que sa Foire artisanale et agricole enregistrait environ 250.000 visiteurs, l’impact de la COVID-19 en termes d’investissements humain et matériel constitue aujourd’hui une grande perte pour l’économie locale.

Mamou Daffé, évoque l’impact de la COVID-19 sur les activités du Centre Culturel Korê de Ségou. « La COVID-19 a eu un impact néfaste sur le secteur culturel, qui constitue un manque à gagner considérable pour les artistes et acteurs culturels du Mali. La Fondation Festival sur le Niger, comme d’autres organisations culturelles, a été durement éprouvée par la crise sanitaire. »

Meilleures pratiques du secteur culturel au Mali

Malgré les difficultés pour continuer avec leur activité artistique, nos experts du Mali ont partagé avec nous les pratiques qu’ils ont adapté pour faire face à la COVID-19 :

  • Coopération internationale et technique : Les acteurs culturels tiennent debout en bénéficiant de programmes de soutien international, qui, depuis trois ans, ont intensifié leurs actions avec la création de fonds alloués aux secteurs de la culture.
  • Solutions locales : Travailler avec des artistes moins connus, et protéger les mémoires vives des plus âgés pour les nouvelles générations.
  • Artistes plateau : S’adapter à la réalité économique en travaillant autour d’un ou deux artistes pour faciliter des bonnes conditions des artistes.
  • Production et diffusion sur des chaînes en ligne : La technologie et les évènements virtuels sont devenu la norme pour permettre aux acteurs culturels de continuer leur travail et au même temps d’atteindre un public plus large et plus diversifié autour du monde.
  • SADA (Social Art Digital Approach) : Approche qui consiste à adapter la mise en œuvre des activités avec l’utilisation des outils du numérique.
  • Plateformes numériques de formation en ligne : Pour dispenser des sessions de renforcement de capacités pour les artistes en ligne.
  • Plateformes E-book et E-Gallery : Qui consistent à mettre en ligne des ouvrages des bibliothèques et médiathèques, afin de les rendre accessible au public de manière virtuelle, et de faciliter l’organisation d’expositions virtuelles d’art contemporain et muséales.

 

Ces héros maliens de la COVID-19 : la résilience

Ils se nomment Mamou Daffé, Adama Traoré, Fatoumata Bagayoko, Lamine Diarra, Mama Koné, Innaissa Touré. Ces visages maliens, braves acteurs face à la COVID-19, maintiennent leur secteur débout, les poings levés. Au Mali où les disciplines de l’industrie culturelle manquent de structuration, telles des montagnes russes, les acteurs sont passés par toutes les émotions, quand l’espoir fait place au désarroi. Ils tiennent débout par une coopération internationale et technique, qui, depuis trois ans a intensifié les actions en faveur de la culture avec la création de fonds alloués aux secteurs de la culture. C’est le cas des Fonds des programmes : STAR2, Donko Ni Maaya3, African Culture Fund4, Maaya, UE-Unis dans la diversité5 et le programme ACP-UE Culture.

Selon le témoignage de Jean-Luc Gbati Sonhaye, ancien administrateur du African Culture Fund concernant les deux premiers volets du fonds qui ont financé 165 projets dont 120 projets conduits par des artistes et 45 organisations, dans 40 pays africains, couverts par une enveloppe totale de 415 000 euros : « Le Fonds Africain pour la Culture (ACF) a été, aux premières heures de la pandémie COVID-19, au chevet des artistes et créateurs africains à travers plusieurs initiatives. »

Les difficultés traversées par Acte Sept n’ont découragé, ni l’association ni son Président qui œuvrent pour l’accès aux pièces de théâtre au Mali avec le Festival de Théâtre des Réalités à Sikasso. La résilience face à la COVID c’est le développement de toute solution permettant aux acteurs de continuer dans une période de jachère, imposée par le rythme de la pandémie. À Acte Sept le choix sera de s’adapter à la réalité économique, comme le décrit Adama Traoré. « Nous travaillons autour d’un ou deux artistes plateau pour faciliter nos captations à réaliser dans les bonnes conditions. Et pouvoir faire voyager nos artistes à l’intérieur du Mali sans grand frais.»

Fatoumata Bagayoko, danseuse professionnelle fortement impactée par la COVID-19, compte sur sa flamme pour rester vaillante, malgré l’annulation de ses spectacles et programmes d’échanges prévus pour 2020 et 2021. Elle reste dans son rôle engagée dans son métier en développant des solutions locales.

Cette autre résilience, c’est la prise en compte de la disparition des bibliothèques des cultures africaines. Acte Sept, sur les questions de transmission, souhaiterait capter ces mémoires vives pour éviter que les bibliothèques ne brûlent pour toujours. Pour Adama Traoré : « La COVID-19 nous a amenés à faire le constat amer que tous nos grands disparaissent. Il faut les amener à partager ce qu’ils ont comme savoir afin de nous aider dans la transmission avec cette nouvelle génération.»

Des solutions innovantes, adaptées


Les acteurs culturels maliens proposent de s’intéresser aux artistes moins connus, travailler à les faire émerger pour éviter qu’ils ne soient oubliés dans les solutions lors des crises. Pour certains, l’inégalité de notoriété crée également l’inégalité dans le traitement. Dans les moments de crise, les années d’expériences devront pouvoir aider les nantis mais l’inclusion de tous les acteurs devra demeurer un principe inhérent aux solutions. De plus, l’apport des médias apparaît incontournable dans la vision des acteurs. Et cela, Fatoumata Bakayoko y croit fermement, elle incite à la collaboration entre médias et acteurs : « Si on n’a pas accès à nos publics se serait de se mettre avec les médias pour y arriver. Que l’on puisse solliciter un forfait qui puisse nous permettre de vivre. »

La perspective d’Adama Traoré complète les propos de la Danseuse malienne : « Je souhaiterais que demain ou après-demain on nous aide à instaurer une taxe numérique, à imputer aux opérateurs que les artistes recevront directement en droits. Parce qu’aujourd’hui c’est ça l’outil qui va nous permettre de travailler.»

Ce monde, courageux, caractérisé par ses dimensions interactives, sauvé par le numérique, Mamou Daffé s’en réjouit : « Finalement, grâce à la magie du numérique nous avons pu atteindre un public plus large et plus diversifié, plus que lorsque les activités se déroulent uniquement en présentiel. Ceci constitue une énorme opportunité pour nous, malgré le contexte de crise sanitaire. »

Dans ce contexte, l’Union Européenne se mobilise aussi pour soutenir les acteurs culturels de l’Afrique de l’Ouest, dans leurs démarches pour un meilleur accès de leurs oeuvres aux marchés culturels, numériques et traditionnels, et une valorisation des artistes à l’international. Cet appui se fait via le programme ACP-UE culture, qui a octroyé des subventions au partenariat « Institut Français/Institut Kôrè du Mali » en lui demandant de lancer des appels annuels sur le terrain de 2020 à 2024 permettant de répondre à cet objectif.

Plus spécifiquement au Mali, la Délégation de l’Union européenne a lancé 2 appel en 2020 et 2021 pour soutenir les acteurs culturels et poursuit ce soutient avec un appel en cours pour permettre aux acteurs culturels d’identifier des défis de gouvernance et de développement au Mali et d’y apporter leur(s) réponse(s). 

Il est évident qu’un retour à la normale nécessite de revivre et d’habiter à nouveau les espaces avec la COVID-19. Il faudra repenser les modèles économiques pour un mieux vivre ensemble, en mettant en avant le capital culturel, l’héritage et son legs.

Cliquez sur le bouton de lecture ci-dessous pour regarder notre vidéo sur la façon dont les Maliens maintiennent la culture vivante pendant la pandémie de COVID-19.

Autres épisodes de la série les voix du terrain (en anglais):

Crédit: Vidéo: © Capacity4dev | Photo: © Robert Dray

1 Nouvelles mesures mises en place par le gouvernement malien : "veiller au respect de l'interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes", "procéder à la fermeture de tous les lieux de loisirs pour la période allant du 10 au 25 avril 2021 inclus", "suspendre toutes les festivités et autres manifestations pour une durée de 15 jours à compter du 9 avril 2021" et "accélérer l'acquisition de nouvelles doses de vaccin et intensifier la campagne de vaccination". (Source)

2 Star – Soutien technique au monde artistique : la pérennisation des emplois dans le secteur de la culture au Mali contribue à la stabilité socio-économique du pays et consolide l’art et la culture comme moteur de transformation de la société. Il s’agit de renforcer les compétences de ces protagonistes sur l’approche entrepreneuriale, de soutenir leurs activités et le lobbying pour un marché intérieur et un statut reconnu des protagonistes de la culture. Le partenaire est une agence malienne d’ingénierie et de production culturelles.

3 Donko ni Maaya – prévention de crise et renforcement de la cohésion sociale à travers la promotion du secteur de la culture au Mali, un programme de la GIZ.

4 Le Fonds Africain pour la Culture (ACF) est un projet de financement des projets culturels en Afrique.

5 Unis dans la diversité a lancé 2 appels pour 2020 et 2021 pour les acteurs culturels maliens. 

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