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Cet article est également disponible en anglais.

En 2011, les Principes de Busan ont défini ce qui fait une coopération au développement efficace et de qualité dans le monde. Cependant, au cours des dix années qui ont suivi l'APD de Busan (Aide publique au développement), les programmes sont devenus plus fragmentés et moins efficaces. L'approche Team Europe - adoptée par l'UE et ses États membres en 2020 - est un engagement à produire un impact plus important et de meilleure qualité en mettant en place une coopération européenne au développement conjointe, coordonnée et plus efficace. Capacity4dev s'est entretenu avec des professionnels au niveau national pour tirer parti de leur expérience de l'approche de Team Europe.

Il existe une bibliographie complète sur les principes1 de Busan, le système de suivi2 et la mise en œuvre du programme pour un développement efficace. Cependant, peu de choses ont été dites sur les efforts personnels et l'expérience des professionnels au niveau national dans les pays mettant en œuvre un développement efficace, tout en créant des synergies, des dialogues conjoints, de la confiance et de la collaboration.

Cet article est un exercice collaboratif dans lequel différentes voix issues du terrain partagent leur expérience.

Recommandations afin d’améliorer les travaux au niveau national et renforcer l'efficacité du développement :

Marjeta Jager, directrice générale adjointe de la direction générale des partenariats internationaux (DG INTPA), et Hugo Van Tilborg, chef de la coopération à la délégation de l'UE au Togo, partagent leur expérience de la mise en œuvre de l'agenda de l'UE pour un développement efficace.

Nicola Brennan, ambassadrice d'Irlande en Éthiopie et à la CUA, décrit son travail à travers le prisme d' un État membre.

Innocent Mugabe, responsable de la gestion de l'information relative aux aides au ministère des finances du Rwanda, s'exprime en tant que représentant d'un pays partenaire, et Humberto Zaqueu, économiste à l'ONG Mozambican Debt Group (GMD en portugais), partage ses réflexions sur le rôle des OSC et du secteur privé.

Les différents professionnels s'accordent tous sur les possibilités offertes par l'approche de Team Europe. Pour eux, obtenir de meilleurs résultats signifie :

  1. Utiliser les politiques et le dialogue politique pour construire une compréhension mutuelle.
  2. Convenir conjointement des priorités et des stratégies - et de la manière de les financer.
  3. Concevoir un système pour chaque pays partenaire afin de générer un impact durable - tout en maintenant un capacité à gérer les risques.
  4. Tenir les citoyens - et l'APD - informés pour obtenir un impact plus important et de meilleure qualité.

Leur expérience montre le potentiel de Team Europe pour améliorer la qualité et l'impact de la coopération européenne.

 

1. Utiliser les politiques et le dialogue politique pour construire une compréhension mutuelle.

Pour Marjeta Jager, favoriser la reconnaissance – au niveau politique – de la valeur de l'efficacité est la base d'une « compréhension mutuelle et d'une cause commune entre donateurs et pays partenaires ». Team Europe permettra aux acteurs de l'UE "d'être cohérents dans leur dialogue relatif aux processus politiques et de coordination au niveau national, en s'engageant avec le gouvernement, les autres parties prenantes nationales et les partenaires extérieurs non européens".

 

Nicola Brennan estime que la clé est le dialogue politique, "nous devons assurer une cohérence au niveau national et régional avec les dynamiques en jeu".

Innocent Mugabe est d'accord, "la chose la plus importante dans la coopération pour le développement est la compréhension mutuelle. Bien sûr, cela prend du temps, mais la confiance et l'échange d'informations sont essentiels pour garantir des résultats durables."

Hugo Van Tilborg souligne l'importance d'analyser conjointement les besoins et les performances, sur la base de faits et de preuves. "Même si les deux parties ont un intérêt marqué pour la lutte contre le changement climatique, le gouvernement partenaire n'est peut-être pas aussi intéressé que l'UE par la promotion des centrales solaires - comme l'incertitude liée à l'intégration d'une énergie intermittente dans le réseau, le 'solaire' n'étant pas perçu comme une 'vraie' énergie, par exemple." Pour lui, "comprendre comment fonctionne et pense le gouvernement aide à se fixer des objectifs réalistes". C'est particulièrement important car "notre objectif est d'utiliser au mieux les ressources pour générer un impact. C'est pourquoi, sans un alignement des feuilles de route et des priorités nationales, on risque de passer à côté de l'intervention qui apportera un réel changement."

Nicola Brennan insiste sur la nécessité d'une analyse solide et réaliste,  "une analyse solide et régulière de l'économie politique3 est cruciale pour toute intervention de développement ; à la fois pour informer le but de l'intervention elle-même, mais aussi pour garantir l'adaptabilité et la flexibilité aux contextes changeants - au fur et à mesure de la mise en œuvre."

2. Convenir conjointement des priorités et des stratégies - et de la manière de les financer.

La recherche d'un consensus sur les priorités est cruciale pour l'efficacité du développement. Marjeta Jager explique l'importance de l'engagement politique et de l’appuibudgétaire : "Nous lions nos interventions à nos priorités politiques et à celles du pays partenaire. Nous finançons les politiques convenues dans le pays partenaire, en liant les niveaux de financement à l'amélioration des résultats et de l'impact." Elle poursuit : "Pour être efficace, il faut travailler de manière multipartite, notamment au niveau sectoriel."

 

Innocent Mugabe renforce cette idée. Il estime qu'il est essentiel d'impliquer tous les donateurs ayant un poids significatif dans la coopération pour le développement. "Les partenaires autres que l'UE représentent plus de 40% de l'aide reçue. Ils adhèrent à la Déclaration de Paris ou aux principes de Busan. Pourtant, ils ne font pas partie de ce dialogue inclusif." Il reconnaît que la création d'une approche en équipe de la coopération pour le développement permettra d'améliorer les résultats sur le terrain.

Un bon ciblage et des ressources adéquates sont nécessaires pour atteindre les personnes les plus vulnérables, estime Nicola Brennan. L'alignement sur les politiques et les priorités convenues signifie que l'efficacité sera améliorée en rassemblant toutes les ressources et en évitant les lacunes ou la duplication des efforts.

Hugo Van Tilborg est d'accord : "les ressources sont limitées et doivent être utilisées pour garantir un impact ; il faut éviter de gaspiller les ressources, sortir de sa bulle et partager les informations". Il poursuit : "récemment, nous avons eu deux programmes sur le même sujet qui ne communiquaient pas entre eux. D'un côté, la présidence construisait un partenariat avec le secteur privé pour mettre en place une usine produisant des centaines de motos électriques. Dans le même temps, le ministère de l'Environnement signait un accord avec une agence des Nations Unies sur un programme pilote de 25 voitures électriques. Le manque de communication a rendu le deuxième projet obsolète avant même sa mise en œuvre."

L'économiste mozambicain Humberto Zaqueu estime que les organisations de la société civile (OSC) sont essentielles aux plans de développement. "Nous sommes là pour travailler avec vous", confirme-t-il. Cependant, il prévient que cette contribution ne doit pas saper l'appropriation nationale des politiques et stratégies sectorielles.

Il déclare : "Nous avons vu dans le secteur de l'éducation, par exemple, que certaines organisations s'alignaient sur les exigences des donateurs plutôt que de soutenir les priorités du gouvernement." Mais, prévient-il, "en faisant cela, nous créons des problèmes. Nous devons donc nous assurer que les contributions des OSC ont des résultats durables."

Hugo Van Tilborg insiste sur l'alignement et l'appropriation des politiques et stratégies sectorielles. "Assurez-vous que ce que vos objectifs sont alignés avec ceux du pays, et pas seulement avec un petit groupe d'intérêt. Il est difficile pour le gouvernement partenaire de dire non à de l'argent gratuit (et il le fait donc rarement), mais nous travaillons pour obtenir des résultats qui sont dans l'intérêt de tous."

Innocent Mugabe recommande de suivre l'exemple du Rwanda, qui a établi un cadre d'évaluation des partenaires et donateurs. "Ce système garantit la responsabilité et l'engagement de tous les partenaires en évaluant chaque année leurs performances en fonction des priorités du pays", précise-t-il.

3. Construire un système pour chaque pays partenaire afin de générer un impact durable - mais être capable de gérer les risques.

Pour renforcer la capacité d'un pays à conserver les bénéfices de l'aide extérieure et à se développer de manière indépendante, l'aide extérieure doit être fournie de manière à soutenir et à utiliser les structures propres des pays. Marjeta Jager estime que cela permettra d'éviter que "les projets soient des îlots séparés des structures du pays partenaire, apportant des avantages transitoires et peu ou pas d'amélioration systémique".

Elle souligne que "les donateurs devraient unir leurs forces et travailler avec l'État pour améliorer les systèmes et les capacités nationales : quelle réussite ce serait !"

 

Les systèmes nationaux s'étendent au-delà de l'État. Le rôle de la société civile et du secteur privé dans la mise en œuvre du développement doit être considéré comme un élément vital des systèmes nationaux qui doit également être soutenu. Humberto Zaqueu souligne le double rôle des OSC, à la fois défenseurs des politiques et prestataires de services, "aidant le gouvernement à fournir des services et à définir des politiques et des stratégies". Il estime également que le secteur privé est essentiel à un développement efficace. "Le secteur privé peut contribuer à réduire la charge du gouvernement par l'externalisation, peut améliorer la gestion des ressources disponibles et est essentiel pour l'emploi."

 

Marjeta Jager réaffirme le rôle vital joué par les OSC : "Celles qui représentent les intérêts des citoyens les plus marginalisés doivent être soutenues et impliquées dans le processus de prise de décision.  Pour cela, il faut participer à la discussion sur l'allocation des ressources, les politiques et les stratégies de prestation des services publics, les investissements et les opportunités économiques."

Lorsque l'on travaille par le biais des structures des pays partenaires, la capacité à identifier et à gérer les risques est essentielle. "Nous (à la Commission) reconnaissons que la coopération au développement est une activité risquée", déclare Marjeta Jager, "pour cette raison, nous avons mis en place des stratégies pour faire face aux inévitables problèmes." Dans le cas où une mauvaise utilisation des fonds a conduit à la suspension de l’appui budgétaire de l'UE au Malawi, "après des discussions transparentes et inclusives avec le gouvernement, nous avons établi une feuille de route, un calendrier et un plan d'action pour résoudre les problèmes, avec des critères clairs à respecter pour rétablir l’appui budgétaire". Elle se souvient que "finalement, les problèmes ont été identifiés et le processus budgétaire a été renforcé."

Nicola Brennan partage ce point de vue : "Il est crucial de garantir une compréhension claire des attentes et des risques avec tous les partenaires et les circonscriptions nationales, et de convenir de stratégies d'atténuation des risques acceptées par tous."

4. Tenir les citoyens informés pour obtenir un impact plus important et de meilleure qualité - et l'APD

L'information des citoyens et des parties prenantes des pays partenaires sur l'utilisation et le ciblage de l'APD est essentielle pour la responsabilisation et l'appropriation des problématiques ; elle renforce l'efficacité des efforts de développement. Le système de gestion de l'information sur les aides est la solution qui a été choisie au Rwanda. Innocent Mugabe explique : "Je suis l'administrateur de ce réseau de points focaux de chaque partenaire de développement. Je les aide à collecter des informations et à prendre connaissance des engagements récents et des données pour chaque trimestre de l'année."

 

Humberto Zaqueu affirme que la responsabilité de fournir des résultats tangibles est essentielle pour garantir une meilleure gestion des ressources - et pour limiter la corruption. Mais, il demande : "Le gouvernement est-il suffisamment redevable devant le peuple ? Et qu'en est-il des donateurs ? Ils doivent évaluer leurs impacts positifs et négatifs. Il faut une responsabilité mutuelle."

Pouvoir démontrer aux citoyens européens que les ressources de l'APD sont utilisées efficacement est également une priorité. Selon Nicola Brennan, "il y a un appétit réduit pour le risque et beaucoup de pression politique intérieure sur notre APD. Travailler dans des contextes difficiles et fragiles exige non seulement d'instaurer la confiance avec les partenaires, mais aussi d'informer les contribuables de leur pays."

Innocent Mugabe est d'accord, "il y a une diminution de la coopération bilatérale au développement et les ressources sont rares. Par conséquent, nous devons innover et sortir des sentiers battus pour nous adapter à différents scénarios."

Team Europe peut consolider son expérience en matière d'efficacité afin de produire un impact plus important et de meilleure qualité.

Cliquez sur le bouton Lecture ci-dessous pour regarder notre vidéo sur Team Europe.

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Quelle a été votre approche ?

Avez-vous rencontré des difficultés et comment les avez-vous surmontées ?

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Évolution d'une coopération pour le développement efficace

Bien que le concept de "partenariats pour le développement" ait été introduit dans les traités de coopération au développement en 1969 et 1980, ce n'est que dans les années 90 qu'il a pris une place prépondérante dans le discours politique, principalement par le biais de la publication "Shaping the 21st Century" du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE en 1996.

Le nouveau millénaire a consacré certaines des bonnes pratiques - rassemblées au cours des cinq dernières années - des membres du CAD alors qu'ils pilotaient leurs approches de partenariat par la publication des Lignes directrices du CAD sur la réduction de la pauvreté en 2001. Les changements fondamentaux que ces lignes directrices proposaient pour planifier et assurer l'efficacité du développement exigeaient davantage d'inclusion. En conséquence, une série de quatre forums consultatifs a été organisée (à Rome en 2003, à Paris en 2005, à Accra en 2008 et à Busan en 2011), ce qui a été crucial pour améliorer la qualité de l'aide et son impact sur le développement.

Pour en savoir plus sur l'efficacité de l'UE en matière de développement :

Crédit: Video © Capacity4dev 

1 Les principes de Busan convenus en 2011 sont :

  • L'appropriation par les pays : Les pays définissent leurs propres politiques nationales de développement et les partenaires de développement alignent leur soutien sur les priorités nationales en utilisant les structures nationales ;
  • Accent mis sur les résultats : la coopération pour le développement vise à obtenir des résultats mesurables et les progrès sont évalués ;
  • Partenariats inclusifs : les partenariats de développement sont inclusifs, reconnaissant et s'appuyant sur les différences et la complémentarité de tous les acteurs ;
  • Transparence et responsabilité : Les pays et les partenaires de développement sont conjointement responsables de la réalisation des objectifs fixés et de la mise à disposition des informations aux partenaires, aux citoyens et aux bénéficiaires.

2 L'important Forum de Busan sur l'efficacité du développement, organisé en 2011, a établi le Partenariat mondial pour une coopération efficace pour le développement (GPEDC en anglais), une plateforme multipartite réunissant des gouvernements, des organisations bilatérales et multilatérales telles que l'UE, et des représentants de la société civile, du secteur privé, des parlements, des collectivités locales et des syndicats, afin de faire progresser l'efficacité des efforts de tous les acteurs du développement.

3 L'analyse de l'économie politique évalue la manière dont les processus politiques et économiques interagissent dans une société donnée et soutiennent ou entravent la capacité à résoudre les problèmes de développement qui nécessitent une action collective. Elle tient particulièrement compte des intérêts et des incitations qui motivent le comportement des différents groupes et individus, de la répartition du pouvoir et de la richesse entre eux, et de la manière dont ces relations sont créées, maintenues et transformées au fil du temps. Ces relations sont essentielles pour expliquer le fonctionnement de la politique, la création de richesses et les changements de développement. Plus d'infos ici (document en anglais).

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