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Juin 2018, Haïti détient officiellement sa première Politique Nationale de Laboratoires (PNL). Un grand pas pour le secteur santé en particulier celui du Laboratoire qui a été longtemps négligé. Ce document est le fruit d’une grande collaboration entre le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) et ses partenaires techniques et financiers, notamment la Commission Européenne et la Fondation Mérieux qui ont apporté leur soutien financier afin de mener des évaluations de terrain et des consultations techniques. Cette Politique regroupe les stratégies principales nécessaires au développement du secteur du laboratoire. Le processus d’élaboration a été long et complexe et a nécessité la mise en place d’une stratégie de plaidoyer.   

Le laboratoire est apparu au début du vingtième siècle en Haïti. Mais, comme le système de santé du pays, ce secteur a connu des hauts et des bas. La disponibilité et l’accès à des services de laboratoire de qualité constituent encore de grands défis pour le pays.

Selon le Directeur du Laboratoire National de Santé Publique (LNSP), Dr Jacques Boncy, « malgré des efforts appréciables venant surtout du secteur privé, ce qui a caractérisé le laboratoire est un manque d’investissement chronique, une évolution en dent de scie et un certain niveau de désorganisation. »

La faiblesse de ce secteur engendre des conséquences graves pour le système sanitaire. Elle expose les patients à des traitements peu ou non efficaces, à des décisions de santé publique inadéquates, à la perte de ressources financières et finalement à une diminution de la crédibilité du système de santé. 

Pourtant, le laboratoire  joue un rôle primordial dans la surveillance épidémiologique, dans les programmes de prévention, et de contrôle des maladies. Un des rôles majeurs du laboratoire est la mise à disposition d’informations fiables nécessaires à la prise en charge des patients, la surveillance, la détection et la riposte aux épidémies.

Pour remédier à cette situation, le Ministère de la Santé publique et de la Population d’Haïti (MSPP) a consentie beaucoup d’efforts. Il a créé en 2006,  le Laboratoire National de Santé Publique (LNSP), sous la tutelle de la Direction de l’Epidémiologie du Laboratoire et de la Recherche (DELR). Grâce au LNSP, le secteur a commencé à se structurer et se renforcer en organisant de multiples sessions de formation à l’intention des technologistes de laboratoire tant du public que du privé a l’avantage du Réseau National de Laboratoire,  en assurant la coordination des activités des différents laboratoires médicaux par la présence dans les dix départements sanitaires d’un technologiste médical départemental.  

Un Plan Stratégique Quinquennal de Laboratoire 2010/2015 a été élaboré en vue de guider les actions du LNSP.  Cependant, ce plan n’a pas pu être mis en application faute de financement des bailleurs et surtout du séisme du 12 janvier 2010, qui a bouleversé le pays.

En outre, l’absence d’une Politique Nationale des Laboratoires ne permettait pas d’inscrire  le Plan Stratégique dans une vision à long terme pour le développement du secteur en question.    

SPHaïtiLab conçu principalement pour développer le laboratoire

En 2015, le Ministère de la Santé est venu avec un nouveau projet baptisé « SPHaïtiLab » qu’il a coécrit avec la Fondation Mérieux, et la Commission Européenne a accepté de le cofinancer. « Doter le pays d’une Politique Nationale de Laboratoires » est l’un des principaux objectifs de SPHaïtiLab.  Cet outil essentiel présente la vision du Ministère de la Santé publique et de la Population qui souhaite disposer d’un système de laboratoire performant afin de fournir à tous, un accès universel à des services de santé de qualité.

La Politique Nationale des Laboratoires présente les grands axes de développement du secteur du laboratoire à savoir la gestion des laboratoires et les dispositifs légaux et réglementaires, l’élaboration et l’application des standards, la gestion des Ressources Humaines, le financement du domaine des laboratoires, la promotion de la recherche en biologie, la gestion des informations au laboratoire, le management de la qualité, le système d’approvisionnement, la gestion des équipements, ainsi que la biosécurité et la gestion des déchets.

La Ministre de la Santé publique, Dr Marie Greta Roy Clément, a fait remarquer que les données issues des laboratoires constituent les yeux du ministère. « Développer le secteur de laboratoires est synonyme de gage de résilience du système de santé. », a affirmé  Dr Clément lors du lancement de la Politique.

Quid du processus d’élaboration de la PNL

Le processus d’élaboration de la politique a commencé avec une analyse approfondie de la situation des laboratoires à travers le pays. Plusieurs missions ont été organisées à travers le pays pour évaluer trente laboratoires dont trois par département. Puis,  l’ancien Plan stratégique quinquennal expiré en 2015, a été évalué par un consultant et a fait l’objet d’entrevues avec les partenaires techniques et financiers de mise en œuvre. En vue des recommandations et des résultats des analyses Forces-Faiblesses-Opportunités-Menaces dégagés par ces deux évaluations, des stratégies ont été formulées pour la rédaction de la Politique Nationale. 

Deux ateliers ont été organisés avec la participation des diverses  parties prenantes (MSPP, représentants de laboratoires publiques et privés, partenaires bilatéraux, ONGs, etc.) du secteur du laboratoire afin d’élaborer le document de politique. Ensuite, un comité restreint a révisé le document avant sa soumission à la Haute Instance du MSPP pour approbation.

Pendant tout le processus, l’équipe du projet a fait une planification rigoureuse pour veiller à ce que tous les acteurs concernés participent aux différentes activités et apportent leur contribution.

Le contexte changeant de la politique en Haïti a été également pris en compte. Le Ministère de la Santé a connu de 2015 à aujourd’hui trois Ministres.  L’équipe du projet a du présenter SPHaïtiLab à chaque fois aux autorités en vue de s’assurer de leur soutien. Ceci a constitué un des points prioritaires pour l’aboutissement du projet. 

L’équipe du projet a bénéficié du support de  l’Agence GFA qui a animé  en mai 2017 une formation sur le Plaidoyer et l’Application de Connaissances (AC).  Cette formation était un moyen d’accompagner les acteurs nationaux du projet dans le processus d’adoption de la Politique Nationale des Laboratoires en Haïti. Les participants ont pu analyser ensemble les différentes étapes de la mise en œuvre d’un plan de plaidoyer efficace. Ils ont appris l’importance d’analyser en profondeur la situation et d’être à l’écoute des décideurs afin d’apporter des solutions adaptées.

Aujourd’hui, malgré les différents obstacles rencontrés, la Politique Nationale de Laboratoire est adoptée. Elle sera en application sur le territoire national grâce à deux outils essentiels : le Plan Stratégique quinquennal 2019-2023 et le Plan Opérationnel 2019-2020 qui sont en cours de finalisation.

Le grand défi demeure la mobilisation et le plaidoyer auprès du MSPP, du secteur privé (stratégie Partenariat-Public-Privé) et des bailleurs de fonds internationaux sur la nécessité de financer les activités prévues par le Plan Stratégique quinquennal 2019/2023.