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Le « réseautage », associé á un changement de paradigme dans le secteur de l’éducation, peut supposer une modification des processus et modalités éducatives dans le pays

Les rapports formateurs-apprenants ont été historiquement formalisés par l’“institution éducative”, scolaire et universitaire, et ont été fortement marqués par des rapports hiérarchiques (“top-down”) entre ces deux catégories, fondés sur des relations de pouvoir (“je sais et tu dois m’écouter”) linéaires au sens euclidien ou cartésien et même unilatéraux.

Jusqu’à ce que de nouveaux paradigmes émergent dans le monde éducatif: le “penser en réseaux” et son pendant opérationnel le réseautage (“networking”). Tout acte d’éducation et de formation est en effet le résultat de deux modalités d’intervention interactives: un ensemble d’actes, en général individuels mais parfois collectifs, de prise de conscience des attentes d’éducation et de formation résultant, de la part du formateur, d’une observation des besoins latents ou exprimés, des apprenants et, de la part de ces derniers, d’une compréhension et d’une appropriation des raisons et des motifs pour lesquelles ils/elles acceptent et/ou veulent s’engager dans un acte d’apprentissage.

C’est un processus souvent informel et qui résulte de nombreuses interactions, parfois organisées mais aussi fortuites, entre formateur et apprenant (potentiel ou en situation d’apprentissage): D’abord un ensemble d’actions étroitement imbriquées, de réponses éducatives et de formation à ce qui a été observé par le formateur et compris par le futur apprenant, avec le “tracé” d‘une (ou plusieurs) voie(s) d’apprentissage et la mise à disposition des apprenant(e)s d’une boite à outils pédagogique avec ses modes d’emploi: c’est l’ingénierie éducative.

Ensuite la “feuille de route” de l’apprenant sur l’une de ces voies d’apprentissage, s’appuyant sur les outils disponibles et guidé dans sa démarche par le formateur: c’est la mise en situation d’éducation, de formation et d’apprentissage. Ce panorama synthétique du système de réflexions, actes et interactions mis en œuvre par des individus et des institutions a priori déconnectés les uns des autres, fait surgir l’image du Réseau, qui remplace le paradigme vertical par une diffusion et répartition équitable du “pouvoir” parmi les acteurs de l’acte d’éducation/formation et dans tous les champs sociaux.

Le réseautage, outil de formation des personnels enseignants et d’encadrement en Haïti [1]

Le cas du secteur de l’éducation en Haïti est exemplaire pour illustrer les concepts ci-dessus car le pays est confronté à un double défi: d’abord sur le plan de la qualité, très insuffisante en particulier aux niveaux critiques de l’apprentissage de la lecture/écriture en créole et en français; ensuite sur celui de la gouvernance, le secteur public ne représentant que 15% des services offerts et le secteur non-public étant par trop livré à lui-même.

Le concept de “réseautage” ou de mise en réseau de ressources éducatives permet de commencer à répondre à ces défis avec un double objectif: d’une part la recherche d’un accroissement de l’accès à la scolarité, par un effort de rationalisation de la carte scolaire, pouvant ainsi conduire à un meilleur équilibre entre demande et offre de scolarisation; et d’autre part la recherche d’une meilleure qualité des processus d’enseignement/apprentissage impartis; et ce par une mutualisation des ressources pédagogiques et une synergie des capacités d’enseignement disponibles entre toutes les écoles du réseau [2].

Ce concept qui a été expérimenté avec succès dans d’autres pays existe en Haïti et a donné lieu à une application structurelle et opérationnelle sous la forme des EFACAP (cf. encadré ci-dessous).

Si les objectifs et la stratégie d’un tel “réseautage” ont été adoptés, non seulement dans la politique de formation des personnels enseignants et non-enseignants, mais aussi, de manière plus “systémique”, dans le futur Plan Décennal d’Education et Formation, en cours de préparation (avec l’appui du projet SBC), le Ministère de l’Education et de la Formation Professionnelle (MENFP) doit définir les rôles que les acteurs du système éducatif vont avoir à jouer à tous les niveaux dans ce nouveau contexte.

C’est ainsi que dans cette nouvelle perspective, les métiers et les fonctions des agents éducatifs, surtout au niveau de l’établissement vont être profondément modifiés avec la prise en compte de diverses modalités de réseautage, telles que les projets d’établissement prenant en compte le rôle de l’école comme animateur du réseau de sa communauté environnante, tant sociale (populations) qu’éducative (écoles du réseau); l’ apprentissage continu entre collègues (“peer teaching” au sein du réseau); l’utilisation des TIC comme outil de réseautage, et enfin la recherche permanente d’innovations pédagogiques à travers les échanges du réseau.

Cet état d’esprit nouveau, qui sera pris en compte dans la nouvelle politique de formation des enseignants et des agents d’encadrement, va exiger bien évidemment un changement de culture pour lequel les Directions Départementales de l’Education (DDE), les inspecteurs de zone et les Directeurs d’établissements auront un rôle clé à jouer.

Sur cet aspect de la réforme également, l’approche “réseautage”, au lieu de l’approche hiérarchique traditionnelle, devrait fournir un moyen essentiel de changement des processus et modalités éducatives, ainsi que du comportement de leurs acteurs. En conclusion, les exemples présentés ci-dessus montrent la puissance de ce nouveau paradigme que constitue le “réseautage” (et la “pensée en réseau”) pour la planification, l’organisation et la mise en œuvre d’une éducation visant à innover dans l’exposition et l’adaptation au monde de demain qu’elle veut offrir à l’apprenant.

Cependant ce nouveau paradigme ne pourra conduire à des pratiques exemplaires et pérennes que si le changement culturel obligatoire qui le sous-tend fait lui-même l’objet d’une formation continue de tous les partenaires qu’il met en jeu. C’est le défi actuel des systèmes éducatifs et de leurs acteurs dans de nombreux pays.

 

Cette article a été écrit pour le Blog Society Gov 

[1] Pays où le bureau d’études Eptisa exécute un projet d’assistance technique dans le cadre du programme SBC (State Building Contract ou Renforcement de l’Etat Haitien) financé par l’Union Européenne

[2] Ainsi que par la recherché de Partenariats Public Privé (PPP), encore à peine naissante en Haiti